Ce 24 janvier 2017, c’est le vingtième anniversaire de la loi sur l’adresse de référence. C’est l’occasion de rendre hommage au combat mené pour aboutir à ce texte et faire le point sur les difficultés actuelles. L’adresse de référence est un dispositif qui permet à une personne sans résidence d’être inscrite dans un CPAS et d’ainsi (ré)ouvrir ses droits aux allocations de la sécurité sociale (chômage, familiales, pension, inscription à la mutuelle,…),. Les personnes qui bénéficient de ce dispositif ne sont pas nécessairement titulaires d’un revenu d’intégration. En effet, elles peuvent aussi avoir droit à des allocations de chômage, de pension et certaines disposent même d’un revenu du travail. Malgré tout, elles sont sans domicile fixe.
L’adresse de référence n’a pas été obtenue sans mal. Les Compagnons du partage, un groupe de militants qui ont voulu agir sur leurs conditions de vie et celles de leurs compagnons d’infortune, ont dû mener ce qu’ils ont appelé une croisade pour la voir aboutir. Les CPAS Bruxellois ont vu tour à tour les Compagnons planter leur tente devant leurs portes jusqu’à décrocher l’octroi d’un minimex pour un des leurs qui vivaient dehors. Je me rappelle, alors jeune militant écologiste, de ces mois de combat auprès des Compagnons du partage dont les revendications étaient portées par nos parlementaires au niveau fédéral et régional.
Ce combat conduit il y a plus de 20 ans, par Alain, José, Jean et tous les autres visait à reconnecter les personnes vivant dans rue à leur statut de citoyen et à leurs droits
Malgré ce dispositif, en 2017, on en est pourtant toujours à déplorer le nombre croissant de gens qui vivent et meurent dans la rue. De plus en plus de femmes et d’enfants sont dans l’errance et la subsistance. De nombreux témoignages attestent que certainsCPAS rechignent encore trop souvent à reconnaître le droit à l’adresse de référence. Ils dissuadent les demandeurs, arguant de leur incompétence territoriale. C’est pourtant le premier et parfois le seul outil pour accéder à ses droits. Dans le climat actuel de suspicion généralisée, certains responsables suspectent les personnes qui bénéficient du dispositif, de fuir une procédure judiciaire ou de dissimuler des ressources. Cette posture creuse toujours plus les inégalités en maintenant les plus démunis dans le non-recours aux droits et l’accès contrarié aux conditions d’une vie digne.
La première chose pour mettre fin au sans-abrisme c’est de prévenir ce type de situation. Malheureusement, depuis des années, les CPAS ne sont pas soutenus. Pour preuves la transformation du Minimex en RIS avec toujours plus de contractualisation, la suppression des droits aux allocations de chômage, la diminution des pensions, la crise du logement…
Ce n’est pas le froid ou la faim, mais bien la rue qui tue !
Récemment, l’ASBL Les Infirmiers De Rue a organisé un colloque sur la fin du sans-abrisme, un objectif qui peut être atteint si on y met les moyens. Par exemple, en investissant massivement dans un outil tel que le Housing First ( qui consiste à proposer un logement comme première étape de la réinsertion et de l’émancipation). La lutte contre la grande précarité nécessite une volonté politique forte et une vision à long terme bien plus que des solutions « sparadrap » du type « plans hiver », qui semblent considérer que les problèmes sanitaires, administratifs et juridiques se résolvent aux beaux jours. Limiter la solidarité aux dons, devenus nécessaires, des citoyens et des associations, ou encore l’hébergement d’urgence, afin d’éviter le désordre et les amas de sacs de couchage, pourraient occulter la lutte à mener pour la reconnaissance du droit à la dignité humaine pour chacun et chacune.
Le meilleur rempart contre la misère et la délinquance n’est-il pas la dignité pour chacun et chacune? Angélisme ? Qui sait ? On n’a encore jamais vraiment essayé.
[1] Slogan des Compagnons du partage
Stéphane Roberti, Président du CPAS de Forest
« Je me rappelle, alors jeune militant écologiste, de ces mois de combat auprès des Compagnons du partage dont les revendications étaient portées par nos parlementaires au niveau fédéral et régional. »
J’y étais dès les premiers jours. .Je travaillais à l’époque au syndicat des locataires et avais été sensibilisée par cette question dans un atelier de la Ligue des Droits de l’Homme que j’ai suivi durant 2 ans. J’ai fait les premiers communiqués de presse et c’est moi qui ai rentré une demande d’aide financière à Ecolo pour acheter du matériel. J’avais pris contact avec Alain Daems et Christos Doulkeridis, à l’époque, secrétaires de la Régionale de Bruxelles.
Je n’étais pas membre d’Ecolo, mais le deviendrais par la suite. C’est par Philippe Debry, que j’avais connu au RBDH que j’avais été informée qu’ECOLO avait un petit budget pour des actions sociales.
Je me souviens de ce soir où devant le CPAS de Woluwé, j’ai amené les parlementaires Vincent Decroly, Galant et ? (je ne me souviens plus du troisième) et où j’ai temporisé les réactions de certains qui n’aimaient pas les parlementaires et étaient prêt à leur rentrer dedans.
Le mouvement commençait à faire un peu de bruit suite à nos différentes actions. Le Front de commun des SDF a été créé quelques mois plus tard. Avec Philippe (un avocat Namurois) Paul Trigalet (Solidarité Nouvelle), Jean Peters et d’autres en concertation avec des personnes précarisées qui avaient rejoint le mouvement, nous avons créé le premier fascicule d’information sur la procédure à suivre pour obtenir les droits. Le premier fascicule rédigé pour et avec des sdf. C’est un jeune dessinateur que j’avais rencontré au début des années 90 dans une Plate-Forme qui défendait les sans papier, qui en avait fait l’illustration. Ce fascicule sera repris et imprimé tel quel par le secrétaire d’Etat M. Peters quelques années plus tard.
Le mouvement sera très médiatisé, surtout au moment de la prise du Château de la Solitude, beaucoup de personnes le rejoindront, je ne me souviens pas de vous, mais peut-être vous souvenez vous de moi .