La majorité verrait bien aboutir la centralisation des données des CPAS via l’instauration du Dossier Social Electronique qui augure d’un sinistre pistage de pauvres. Ces récentes évolutions imposent une vigilance renforcée pour défendre le caractère inviolable du secret professionnel en CPAS.
Certaines données des CPAS sont déjà partagées par exemple au niveau fédéral dans la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale. Cela permet aux institutions dépositaires d’un accès, de savoir si une personne bénéficie d’une aide sociale ou de tout autre revenu déclaré. Mais l’enquête sociale préalable à l’octroi ou au refus reste strictement protégée par le secret professionnel. Sous couvert d’efficacité administrative, le SPP-IS ne cesse de vanter les mérites d’un futur dossier social électronique qui permettrait à un centre de transmettre des données privées à un autre centre via la BCSS et d’ainsi tracer les bénéficiaires. On pourrait ainsi imaginer qu’une personne étiquetée comme « ayant des réactions agressives » ou « ne cherchant pas activement du travail » soit ainsi disqualifiée à vie. Toutes les dérives d’un système informatique sont à craindre aussi pour nos institutions. Dans une logique de productivité, le logiciel pourrait définir des profils dans lesquels il est peu rentable d’investir du temps. Pour des administrations écrasées par les tâches de reporting afin de satisfaire le millefeuille des tutelles, l’argument est habilement choisi. Les fédérations des CPAS ont pourtant pris position contre le rapport social électronique, réaffirmant le fait que les priorités sont ailleurs et privilégiant leur attachement au principe de la vie privée et de la confidentialité de l’aide sociale.
Pour le gouvernement fédéral, le secret professionnel en CPAS n’est rien d’autre qu’un problème à résoudre. Il y a là un shift d’interprétation, au détriment de nos institutions déjà fragilisées et hyper-contrôlées. La suspicion qui pèse sur les citoyens bénéficiaires d’une aide sociale rejaillit sur nos CPAS. Cette tendance souffle fort sur le cadre de la relation de confiance. L’obsession récente de combattre la fraude sociale donnerait à certains le blanc-seing pour tailler des croupières au secret professionnel, notamment via le dossier électronique. Le secret professionnel des travailleurs sociaux doit donc rester inviolable pour préserver la relation de confiance, garantir l’aide la plus adaptée et enfin protéger les citoyens bénéficiaires d’une traque stigmatisante.
Stéphane Roberti, président du CPAS de Forest